Situation et histoire
Localisé dans le quartier de Cabbé, à environ 550 m de la Gare SNCF de Cap-Martin-Roquebrune et à l’extrémité est de la plage du Buse, inaccessible en voiture ; on y parvient, comme jadis Eileen Gray ou Le Corbusier, uniquement par le sentier pédestre littoral, qui longe la voie ferrée en direction de Menton. Autrefois communément dénommé « sentier des douaniers », c’est aujourd’hui la Promenade Le Corbusier.
Après une période de domination gênoise, Roquebrune-Cap-Martin a été, du début des années 1350 jusqu’au début des années 1790, une dépendance de Monaco, de même que sa proche voisine Menton. Après quelques décennies d’un épisode sarde avec le statut de villes libres entre 1848 et 1860, les communes de Menton et de Roquebrune ont été rattachées à la France en février 1861, quelques mois après Nice et la Savoie.
Il y a 150 ans, le paysage des collines environnantes était constitué d’une végétation dense, d’où émergeaient des terrasses aux murs de pierres couvertes d’orangers et de citronniers, alternant avec des oliviers et des parcelles de vignes, qui venaient mourir sur la frange des rochers léchés par la mer, et jusqu’aux limites boisées de Cap-Martin qualifié de « grosse tortue verte » par la princesse Eugénie qui y effectua maints séjours dans sa villa Cyrnos.
Dans les années 1860, la construction de la route de la basse corniche, achevée en 1883, accompagne l’arrivée du chemin de fer sur la Côte d’Azur. Le 25 janvier 1872, la gare de Cabbé est mise en service sur la commune de Roquebrune.
Longeant la voie ferrée, le sentier de bord de mer destiné à relier Monaco à Menton est inauguré le 7 avril 1914. Ces aménagements ont pour effet d’isoler du reste du territoire une étroite bande de terre côtière qui, depuis la gare, va s’amenuisant vers l’est.
En 1920, le paysage est en complète évolution et les terrains à bâtir se font rares, surtout près de la mer. La quête d’un terrain pour la construction d’une maison de vacances sur le littoral méditerranéen n’est pas en soi très originale. Eileen Gray, irlandaise conquise depuis longtemps par le soleil, les lumières et la douceur du climat, connaît bien ce Sud où résident temporairement nombre de ses amis et relations… Elle choisira, avec son compagnon Jean Badovici, une parcelle le long du sentier pour y construire, en 1927-1929, la villa E-1027 (E pour Eileen, J-10, B-2, G-7), en respectant au mieux le paysage en terrasses et la végétation au-dessus des rochers qui plongent très vite dans la mer.
Après la Seconde Guerre mondiale, Thomas Rebutato acquiert une parcelle de 2 000 m² contiguë vers l’est, également constituée de planches cultivées, pour y construire, en aplomb de la villa, L’Étoile de mer, un bar-restaurant qu’il ouvre en juillet 1949.
La treille et les canisses qui abritent la terrasse-promontoire, l’escalier en ciment, les inclusions de cassons colorés et de galets, les plantations de succulentes reflètent parfaitement le savoir-faire du cabanonnier.
Dès l’ouverture du restaurant, Le Corbusier qui séjournait alors dans la villa E-1027 pour la préparation d’un projet, devint un familier des lieux. En 1952, il construira, tout contre L’Étoile de mer, son Cabanon, qualifié de « château sur la Côte d’Azur », sur l’extrémité est de la parcelle Rebutato, en forte pente, et installera ensuite, quelques mètres plus loin, une modeste baraque pour y travailler. Dans l’espace séparant le Cabanon de l’atelier trône un superbe caroubier, qui côtoie une végétation naturelle : figuiers de barbarie, yuccas, euphorbes arborescentes…
Dernière construction sur le site en 1957, à l’ouest de L’Étoile de mer et en surplomb de la villa E-1027, les Unités de Camping, suite de cinq chambres pour vacanciers conçue et construite par Le Corbusier pour Rebutato. Elle constitue le prolongement de ses recherches pour deux projets non réalisés, ROQ et ROB.
Certains paragraphes sont extraits du texte de Nerte Fustier-Dautier « Nature méditerranéenne et résidence estivale », dans Eileen Gray, L’Étoile de mer, Le Corbusier – Trois aventures en méditerranée (Archibooks, Editeur)
Depuis la voie ferrée, et de gauche à droite, le Cabanon, L’Étoile de mer, les Unités de camping, la villa E-1027.
L’Étoile de mer en construction 1948-49.
CONSTITUTION DU SITE PATRIMONIAL
En 1975, soit 10 ans après le décès de Le Corbusier, la Fondation Le Corbusier cède au Conservatoire du Littoral le Cabanon et les terrains adjacents le long de la côte rocheuse. La gestion touristique du Cabanon est déléguée à la commune de Roquebrune-Cap-Martin.
Après la mort de Jean Badovici, en 1956, la Villa E-1027 a connu deux propriétaires successifs, Marie-Louise Schelbert, de 1960 à 1982, et le Docteur Peter Kaegi de 1982 à 1996. Le Conservatoire du Littoral en fait l’acquisition en 1999.
L’ Etoile de mer, dont l’exploitation commerciale a pris fin en 1984, fait l’objet, en 2000, d’une donation au Conservatoire du Littoral par la famille Rebutato, avec réserve d’usufruit.
L’ensemble des éléments du site est classé à l’inventaire des Monuments Historiques, le dernier arrêté de classement datant de septembre 2021 pour l’Etoile de mer et les Unités de camping.
La gestion de l’ensemble du Site, dénommé « Cap Moderne, Eileen Gray & Le Corbusier au Cap Martin », fait l’objet, depuis 2018, d’une délégation de gestion au Centre des Monuments Nationaux.
Bibliographie:
Eileen Gray, L’Étoile de mer, Le Corbusier – Trois aventures en Méditerranée : E-1027, une invitation au voyage par Eileen Gray, texte de Monique Baillon ; Une architecture blanche, texte de Jean-Michel Bossu ; E-1027, une icône de la modernité des années 1920, texte de Tim Benton.