Eileen Gray (1878 – 1976)
Irlandaise, née en 1878, Eileen Gray, après avoir fréquenté une école d’art à Londres, poursuit sa formation à Paris à partir de 1902, et s’initie au travail de la laque à partir de 1906. Elle expérimente différents métiers d’art et connaît un début de notoriété à partir de 1913, commence une carrière de « décoratrice-ensemblière » en 1918, et présente ses créations dans la galerie Jean Désert qu’elle ouvre en 1922. À partir de 1924, elle se forme au métier d’architecte auprès de Jean Badovici, et entreprend en 1927 la construction de la villa E-1027 à Roquebrune-Cap-Martin, considérée comme une œuvre-manifeste. Par la suite, elle construit, seule, la maison « Tempe a Pailla » et son mobilier à Castellar, près de Menton, et conçoit quelques autres projets de maisons. Elle décède en 1976, au moment où elle commence à être reconnue. Redécouverte par des historiens, des collectionneurs et des galeristes, elle connaît aujourd’hui une gloire posthume.
9 août 1878 : Naissance de Kathleen Eileen Moray Smith en Irlande, dans le Comté de Wexford, près d’Enniscorthy dans la demeure familiale de Brownswood. Sa famille possède aussi une résidence londonienne à South Kensington.
1895 : Le mari de sa sœur aînée Ethel pousse leur mère à revendiquer le titre hérité deux ans plus tôt de baronne Gray, et à transformer le vieux manoir familial couvert de feuillages en une imposante bâtisse élisabéthaine. Selon son biographe Peter Adam, Eileen Gray s’en trouva meurtrie et s’éloigna de sa famille.
1900 : L’année est marquée par la disparition de son jeune frère Lonsdale pendant la guerre des Boers, puis celle de son père, peintre amateur qui parcourait le continent. Sa mère l’emmènera visiter à Paris l’Exposition Universelle.
1901 : Eileen Gray s’inscrit à la Slade School of Fine Art à Londres, école de peinture pour jeunes gens de la high society; elle fréquente assidûment le Victoria and Albert Museum où elle admire les laques asiatiques. C’est en se promenant à Soho qu’elle tombe en arrêt devant la laque chinoise de l’atelier de restauration de D. Charles où elle se fait aussitôt accepter comme apprentie. Eileen Gray restera longtemps en contact avec lui.
1902 : C’est pour étudier le dessin qu’elle part à Paris, s’inscrit à l’Atelier Colarossi à Montparnasse puis à l’Académie Jullian. De tempérament timide, la jeune femme fréquente à Paris essentiellement des amies de la Slade. Elle rencontre néanmoins Auguste Rodin et fait l’acquisition d’une petite statue en bronze de sa Danaïde.
1905 : Le Salon des Artistes Français au Grand Palais expose un dessin et une peinture d’Eileen Gray; elle est rappelée à Londres auprès de sa mère malade. Elle voyage aussi, découvre Biskra, l’oasis du Sahara mis à la mode par Oscar Wilde, Kairouan et des villes d’Espagne. Atteinte à son retour de la typhoïde, elle part en convalescence à Hyères et tombe sous le charme du littoral méditerranéen.
1906 : Eileen Gray revient définitivement à Paris ; elle y rencontre Seizo Sugawara, jeune maître-laqueur japonais venu restaurer les laques de son pays présentées à l’Exposition Universelle. Leur travail en commun durera plus d’une vingtaine d’années.
1907 : Elle s’installe dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle dans un appartement qu’elle conservera toute sa vie. (Au 21 rue Bonaparte, une plaque en fait mention depuis 2016.) Dans ce même quartier de Saint-Germain-des-Prés, au 11 rue Guénégaud, elle ouvre un atelier de laque avec Sugawara pour développer ses recherches de couleur et perfectionner l’exigeante technique de la laque. Elle engagera plus tard l’ébéniste Kichizo Inagaki et le laqueur Oussouda. C’est grâce à elle que Jean Dunand débute comme élève de Sugawara.
1908-09 : Avec Evelyn Wyld, une amie d’enfance, elle effectue un voyage au Maroc pour y apprendre la fabrication des tapis; elle installe leur atelier de tissage au 17-19 rue Visconti dans le même quartier. (E. Wyld la quittera en 1927 pour rejoindre la décoratrice Eyre de Lanux.) Les motifs que dessine Eileen Gray sont délibérément géométriques. Elle achète sa première voiture, une Chenard & Walker, et se passionne pour l’aviation (elle créera une Lampe Aéroplane). C’est l’époque où Paris découvre les Ballets russes, les motifs orientaux et les couleurs vives des décors de Léon Bakst. Dans son quartier, Eileen Gray se trouve à la tête d’un lieu de création artisanale avec tisseuse, menuisier, laqueur, polisseuse.
1912-13 : Avec sa sœur Thora, Gaby Bloch et Florence Gardiner, elle découvre les Etats-Unis, de New York jusqu’en Californie. A son retour, elle trouve un Paris électrisé par Le Sacre du printemps, la parution du livre d’Apollinaire les Peintres cubistes et une certaine égyptomanie liée à la découverte du tombeau de Toutankhamon. Les arts n’ont jamais autant fusionné. Ses panneaux de laque lui amènent un début de notoriété, en particulier La Voie lactée qui présente des poussières d’étoiles sur fond d’un bleu jamais obtenu jusque-là. En 1913, elle expose au Salon de la Société des Artistes Décorateurs (la S.A.D.) Le Magicien de la nuit aux personnages antiquisants qui fait l’admiration de Jacques Doucet, le grand couturier découvreur de talents. Doucet achète chez Eileen Gray le paravent à quatre feuilles rouge orangé Le Destin, décoré au revers de circonvolutions abstraites, puis lui commande des pièces de mobilier La Table aux lotus et Le Guéridon au bilboquet. En 1929, ces meubles seront les vedettes du célèbre studio de la rue Saint-James à Neuilly (reconstitué en 2016 à la Fondation Pierre Bergé Yves Saint-Laurent.) Doucet tente de l’introduire dans son monde, lui présente Mme Tachard. Mais l’indépendante Eileen Gray s’échappe et repart en voyage, à Sarajevo, juste avant l’assassinat fatal à la paix.
1914 : en compagnie de la duchesse de Clermont-Tonnerre qui avait écrit le premier article sur son travail dans Feuillets d’art, Eileen Gray devient ambulancière dans Paris.
1915 : Pressée par sa mère, elle repart en Angleterre emmenant Sugawara. Son frère aîné James est mortellement blessé à la guerre.
1917 : L’édition anglaise de Vogue publie « An artist in lacquer », article élogieux reproduisant La Voie lactée et Le Destin.
1918 : L’Armistice est signé. De retour à Paris, Eileen Gray accepte la commande de Mme Mathieu-Lévy, propriétaire de la maison de mode Suzanne Talbot. Celle-ci, collectionneuse d’objets égyptiens, rêve à la fois d’Art déco et d’extravagance pour son appartement de la rue de Lota dans le XVIe arrondissement. Ce premier chantier de décoratrice-ensemblière va s’étaler sur quatre ans. Sa source d’inspiration est d’un exotisme en harmonie avec les objets de la collection. D’une part Eileen Gray imagine une extraordinaire Pirogue en laque façon écaille de tortue dans laquelle Mme Mathieu-Lévy est photographiée sur fond de panneaux de laque sombre par le baron Adolf de Meyer. Elle adopte d’autre part certaines formes angulaires issues du cubisme : des paravents en rectangles noirs qui deviendront récurrents dans sa création et pour la fabrication desquels il lui faut faire appel à Inagaki.
1920 : Lors d’un voyage au Mexique (un plan de Teotihuacan figurera dans sa villa Tempe a Pailla), elle est une des premières passagères du service aérien postal d’Acapulco.
1921-22 : A Samois-sur-Seine elle achète une petite maison de week-end dans laquelle elle accueille Sugawara.
1922 : Elle fait la connaissance de Damia, «la tragédienne de la chanson», aussi extravertie qu’Eileen est réservée. Eileen Gray devient une vraie garçonne en manteau de chez Poiret et chapeau de chez Lanvin. C’est l’époque où l’Académie française, réservée aux hommes, risqua un moment d’être concurrencée par le féministe «Temple de l’amitié». Pour Damia son amie intime, elle crée en laque des cadres et un Fauteuil à la sirène. Mais 1922 est surtout l’année de l’inauguration de Jean Désert, sa boutique du 217 rue du Faubourg-Saint-Honoré où elle propose à la vente tapis et meubles. Sa clientèle attirée par l’avant-garde est celle de la politique, de la mode comme Paul Poiret, Elsa Schiaparelli, Hélène Rochas, des artistes comme Romaine Brooks, Henri Laurens, des écrivains comme James Joyce, Ezra Pound, des architectes comme Henri Pacon. Jean-Henri Labourdette, créateur de voitures de luxe l’est aussi, qui lui parle de l’aluminium (ce dont elle se souviendra pour l’intérieur de la villa de Roquebrune Cap-Martin). Elle se décide à exposer au Salon d’Automne, y rencontre Robert Mallet-Stevens qui lui commande un tapis et un meuble pour la villa des Noailles à Hyères. En décembre Eileen Gray s’engage à participer à l’exposition d’Industrie d’Art et de luxe Français à Amsterdam.
1923 : Invitée au salon de la S.A.D., elle présente sa Chambre à coucher-boudoir pour Monte-Carlo. Les critiques français sont partagés, seul Guillaume Jeanneau défend sa poétique. En revanche elle retient l’attention de l’architecte Jan Wils du groupe De Stijl. Enthousiasmée, elle réalise la table De Stijl à éléments géométriques en porte-à-faux qui semble préfigurer ses maquettes d’architecture. Car l’architecture l’attire de plus en plus. Elle exerce sa réflexion crayon à la main à partir de plans de la villa Moissi d’Adolf Loos. La même année 1923, dans sa Galerie de l’Effort Moderne, Léonce Rosenberg présente une exposition consacrée à l’architecture hollandaise, et c’est peut-être à cette occasion quelle rencontre le jeune architecte d’origine roumaine Jean Badovici (1893-1956). Diplômé de l’Ecole Spéciale d’Architecture, attiré par la critique architecturale, encouragé par son ami Christian Zervos (qui publiera Les Cahiers d’art), il réussit à convaincre l’éditeur Albert Morancé et lance la revue L’Architecture vivante.
1924 : Pierre Chareau invite Eileen Gray à exposer des objets dans son stand de la S.A.D. Elle, de son côté, invite dans sa galerie Chana Orloff, Ossip Zadkine. Elle participe à l’exposition « l’Architecture et les arts qui s’y rattachent » à l’Ecole Spéciale d’Architecture (l’E.S.A.). La revue hollandaise, proche du mouvement De Stijl, Wendingen (Tournant décisif) consacre un numéro à Eileen Gray avec une introduction de Jan Wils et un article de Jean Badovici. Celui-ci tente de cerner les potentialités d’Eileen Gray, surtout la sensibilité dont elle fait preuve. J.J.-P. Oud, séduit, lui écrit une carte postale à son ancienne adresse en Irlande. Mais c’est Jean Badovici qui lui pose la question cruciale : «Pourquoi ne construisez-vous pas ?», en accompagnant Badovici dans ses déplacements en Hollande et en Allemagne, elle se forme peu à peu au métier d’architecte. Déjà elle l’avait aidé à ‘’moderniser ‘’ plusieurs maisons anciennes à Vézelay. En parallèle elle suit sur ses chantiers parisiens Adrienne Gorska, autre femme architecte issue de l’E.S.A.
1925 : A l’Exposition, le Pavillon de l’Esprit nouveau de Le Corbusier est montré à l’écart, Eileen Gray, elle, n’a pas été sollicitée. Elle part avec Badovici visiter à Utrecht la maison Schröder de Gerrit Rietveld.
1926 : Maison pour un ingénieur fait encore partie de l’œuvre simplement projetée d’Eileen Gray.
1927 : Au Cap Martin, à Roquebrune, elle achète un terrain au nom de Badovici, elle travaille à la conception de sa villa sur maquettes et plans, intégrant la topographie, la course du soleil et la provenance des vents. C’est pour elle seule qu’elle achète des parcelles sur la route de Castellar. Avec Badovici, elle part visiter la cité du Weissenhof à Stuttgart et l’exposition d’architecture Die Wohnung (l’habitat).
1928 : Mme Mathieu-Lévy devenue veuve s’installe boulevard Suchet engageant l’architecte Paul Ruaud, et fait de nouveau appel à Eileen Gray pour l’aménagement de son appartement qu’elle souhaite en blanc. C’est à cette époque qu’elle lui propose deux exemplaires de son fauteuil ivoire Bibendum. Son Fauteuil aux serpents est créé recouvert d’un tissu brillant rose saumon (c’est celui-là qui sera acquis par le grand couturier Yves Saint-Laurent). On peut voir le résultat de ce travail dans L’Illustration de 1930, sans toutefois y lire le nom de la créatrice.
1926-29 : Eileen Gray est présente sur le chantier de la villa de Roquebrune Cap-Martin. Elle conçoit de nouveaux meubles, certains intégrés aux murs, et en fait venir d’autres de Jean Désert. Abandonnant la laque, elle expérimente la bakélite, le celluloïd, le tube d’acier soudé et chromé, dans des formes géométriques simplifiées. Dotée d’un sens pratique, elle dispose ‘’en open space’’ un mobilier escamotable et volontiers à double fonction. Son architecture est souvent qualifiée de fonctionnaliste car elle relève des principes de Le Corbusier que publie son ami Badovici : ossature sur pilotis, toit plat, plan libre, grande horizontale vitrée. Elle présente aussi un aspect organique, la construction étant axée sur un escalier hélicoïdal de distribution des espaces dans le sens horizontal et vertical. Le jardin et les espaces de vie en plein air ont leur importance : cuisine d’été et solarium. Badovici est venu la conseiller quand son travail de rédacteur en chef à Paris lui en laissait le temps. La villa porte le titre de E.1027 : E comme Eileen, 10 car le J de Jean est la 10e lettre de l’alphabet, 2 comme B, la 2e et 7 comme la 7e, le G de Gray ; comme si ce nom énigmatique souhaitait empêcher la conception commune d’être divisée.
Elle a retenu de l’agencement des cabines de paquebots qu’elle a pris vers l’Amérique : coursive, bastingage, sur le toit sorte de phare éclairé surmonté d’un fanion en haut d’un mât, à l’intérieur fauteuil Transat, tapis Marine d’abord, carte marine, petites étagères repliables.
Dans le vestibule de l’entrée, on lit Défense de rire car les audacieux matériaux industriels sont inattendus : liège pour un plateau de table, aluminium pour gainer une grande armoire de toilette et la baignoire, métal industriel perforé pour un meuble à tiroirs et même un paravent, tube d’acier chromé pour les sièges et les miroirs. Pour l’emploi du tube, elle a précédé Le Corbusier et Charlotte Perriand. La villa achevée en 1929 est photographiée en 1930 et publiée dans un numéro spécial de L’Architecture vivante avec textes et photographies présentés en portfolio : E.1027 maison en bord de mer.
Par l’intermédiaire d’Henri-Pierre Roché, le jeune maharadjah d’Indore commande à Eileen Gray son Transat, fauteuil en bois laqué et cuir synthétique, et une Lampe Satellite.
Elle emmène Badovici au Pérou puis entreprend de rénover le petit appartement qu’il possède rue de Chateaubriand à Paris (1930-1931). Elle est parmi les premières à adhérer à l’Union des Artistes Modernes (l’U. A. M.) qui vient de se créer sous la présidence de Mallet-Stevens.
1930 : Suite à la crise de 1929, elle ferme Jean Désert et la rue Guénégaud. E.1027 a les honneurs du tout premier numéro de L’Architecture d’aujourd’hui. Elle présente des plans et des photographies de la villa à la 1re exposition de l’U. A. M.
1931 : A la 2e exposition de l’U. A. M. à la galerie Georges Petit, elle montre un système de rangement.
1932 : Eileen Gray entreprend, indépendante cette fois, à Castellar sur d’anciennes citernes, la construction d’ «une maison à soi» selon la formule de Virginia Woolf. Tempe a pailla nécessitera deux années de travaux car «tempe a païa, u nespoure mahuran » (Il faut du temps et de la paille pour faire mûrir les nèfles), le vieux dicton mentonnais le dit bien.
1933 : Projet de Maison pour deux sculpteurs (non réalisé). Elle expose au 24e salon de la S. A. D. des maquettes et des photos et au Salon d’Automne.
1934 : Pour sa maison de Castellar qu’elle vient de finir, les meubles qu’elle a conçus sont fabriqués par son menuisier André-Joseph Roattino. Des systèmes coulissants et pliants très inventifs combinés à des éléments industriels s’intègrent de plus en plus à l’architecture. Elle démissionne de l’U. A. M. Elle invite à un voyage au Mexique Badovici dont la revue L’Architecture vivante vient de s’arrêter (1923-1933). Au retour par New York, ils rencontrent l’architecte Frederick Kiesler, et visitent l’exposition du Museum of Modern Art, « Machine Art ».
1936 : Favorisée par la naissance et la fortune, Eileen Gray s’est sensibilisée aux problèmes sociaux. Les projets qui vont suivre le montrent : sa « maisons Ellipse » préfabriquée devait pouvoir être montée et démontée.
1937 : Présentation de son projet de Centre de vacances et de loisirs avec des bungalows préfabriqués et démontables au Pavillon des Temps Nouveaux de Le Corbusier. Badovici montre un bateau de sauvetage, qui sera publié dans le livre de Le Corbusier Des Canons, des munitions ? Merci ! Des Logements, SVP….
1937-39 : En avril 1938 Le Corbusier avait écrit à Eileen Gray et lui avait fait l’éloge de E.1027 qu’il avait visité en 1937 et en 1938. À l’invitation de Badovici, il y effectue sur les murs blancs plusieurs peintures murales de grand format. Badovici se montre ravi par les peintures mais, en 1949, proteste par écrit. La peinture murale métamorphose sensiblement l’espace architectural. Badovici et Léger en avaient beaucoup parlé à Vézelay (Tim Benton l’analyse avec justesse dans son récent livre Le Corbusier peintre à Cap-Martin.)
1941 : En sa qualité d’étrangère dans la France à nouveau en guerre, Eileen Gray est obligée de quitter la côte et part vivre dans le Vaucluse à Lourmarin puis à Cavaillon.
1944 : Son petit appartement de Saint-Tropez a été détruit, une partie de ses archives brûlée, sa maison Tempe a Pailla pillée.
1945 : A la Libération, elle retourne à Castellar constater les dégâts et décide d’entreprendre sa restauration.
1946-47 : A la recherche de solutions aux problèmes sociaux de son époque, elle commence à travailler à un Centre culturel et social et élabore le projet d’un Club ouvrier (tous ces dessins sont conservés au Centre Pompidou, au Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.)
1953 : Reconstruction de Tempe a Pailla qu’Eileen Gray vendra au peintre anglais Graham Sutherland en 1956. Elle adhère de nouveau à l’U.A.M.
1954 : A 76 ans, elle transforme Lou Pérou, la petite bastide abandonnée qu’elle avait acquise avant-guerre à proximité de la Chapelle-Sainte-Anne, derrière Saint-Tropez. A la célébration du 25e anniversaire de l’U. A. M., René Herbst dit d’Eileen Gray : « Elle était la plus douée d’entre nous ».
1956 : Jean Badovici meurt au mois d’août à Monaco. La villa E.1027 est revendue à Mme Marie-Louise Schelbert en 1960, une relation de Le Corbusier qu’il fait venir de Suisse.
1958 : Eileen Gray visite l’Exposition de Bruxelles avec sa nièce Prunella Clough.
1959 : Son Centre culturel et social des années 40 est publié dans L’Architecture d’Aujourd’hui.
1968 : Neuf ans plus tard, dans la revue italienne de design et d’architecture Domus, Joseph Rykwert ‘’ressuscite’’ Eileen Gray par un article important.
1972 : Le paravent Le Destin de la collection Jacques Doucet est vendu aux enchères à un prix record à Drouot, ce qui contribue à faire redécouvrir Eileen Gray auprès d’un public élargi. Elle est nommée Royal designer for Industry au Royaume-Uni.
1973 : Honneurs tardifs : elle a droit à une rétrospective du R.I.B.A. (Royal Institute of British Architects) à Londres, à une exposition itinérante aux Etats-Unis. Elle est élue Honorary Fellow en Irlande.
31 octobre 1976 : Eileen Gray s’éteint à Paris. Elle a vécu 98 ans. Ses somptueux paravents et meubles en laque à la sobriété intemporelle ont fait le bonheur des découvreurs, des galeristes, de Gilles Peyroulet à Cheska Vallois ou Jacques de Vos et de grands collectionneurs. Elle a construit et reconstruit, et anticipé d’une manière étonnante le goût pour le mobilier design qui sera celui de tant de jeunes du tournant du siècle, le XXIe. La réédition de ses meubles par Aram, Classicon et Andrée Putman, des acquisitions opérées par de grands musées et des expositions vont le révéler, ainsi qu’en 1998, le classement comme monument historique de son œuvre manifeste, la villa E.1027.
Par Monique Baillon (janvier 2017)