Jean Badovici

Jean Badovici (1893 – 1956)

Architecte d’origine roumaine né en 1893, Jean Badovici, diplômé de l’École Spéciale d’Architecture de Paris, fonde en 1923 L’Architecture Vivante, revue d’avant-garde, et dirigera chez Morancé l’édition de l’œuvre complète de Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Il participe à la construction de la villa E-1027 sur la Côte d’Azur, avec son amie Eileen Gray, et restaure des maisons anciennes à Vézelay. Théoricien et critique, il est également inventeur et dépose plusieurs brevets, notamment pour les fenêtres coulissantes, les volets de la villa et pour le miroir satellite de la chambre d’amis. Après la Seconde Guerre mondiale, il participe à la reconstruction de la ville de Maubeuge. Il décède en 1956.

1893 : Naissance le 6 janvier à Bucarest (Roumanie) de Jean Badoviso.1913 : Premier voyage en France.

1915 : Exempté du service militaire dans son pays, Jean Badovici revient à Paris et s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts, il suit les cours de Elie Paulin et de Paul Guadet.

1917- 19 : Il obtient son inscription en 2e année à l’Ecole Spéciale d’Architecture (l’E. S. A.). Il est diplômé en 1919.

1922 : Inscription à l’Institut d’Urbanisme.

1915-23 : Durant ses années d’études, « il travaille comme dessinateur chez Brassart & Cie, ingénieur-constructeur » acquérant ainsi « des connaissances qu’il mettra en application dans ses projets architecturaux, ses inventions et projets… » (Jean-François Archieri: « Jean Badovici : une histoire confisquée », dans : Eileen Gray, sous la direction de Cloé Pitiot, ouvrage publié à l’occasion de l’exposition du Centre Pompidou, 2013). Il se lie d’amitié avec Christian Zervos qui venait aussi d’arriver à Paris.

1923 : Jean Badovici obtient de l’éditeur Albert Morancé de créer une revue d’avant-garde architecturale. Ce sera L’Architecture vivante, documents sur l’activité constructive dans tous les pays publiés sous la direction de Jean Badovici, architecte, revue placée sous le double patronage de Paul Valéry et d’Auguste Perret. Il y dressera un panorama des tendances de l’architecture contemporaine internationale, ouvert sur les avant-gardes néerlandaise (le groupe De Stijl), soviétique (le Constructivisme russe) et celle de l’Allemagne de Weimar (le Bauhaus). La publication trimestrielle assortie de planches au graphisme de grande qualité vivra jusque 1933, couvrant ainsi une décade. À partir de 1928, les numéros deviennent monographiques avec, par exemple, celui consacré à la Weissenhof Siedlung de Stuttgart et ceux présentant Frank Lloyd Wright en 1930 ou Tony Garnier en 1932.

1924 : Il participe à la revue proche du mouvement De Stijl, Wendingen (« tournant décisif ») qui consacre un numéro aux meubles en laque et tapis de la décoratrice-ensemblière Eileen Gray.

1925 : En compagnie de sa nouvelle amie Eileen Gray, il part visiter la maison Schröder de Gerrit Rietveld à Utrecht.

1926 : Badovici participe aux deux premiers numéros de la nouvelle revue Cahiers d’art (1926-1960) créée par Zervos. Il encourage Eileen Gray à construire : ce sera la villa E.1027 sur le terrain en restanques de Roquebrune Cap-Martin qu’elle vient d’acquérir au nom de Badovici. Architecte théoricien, critique mais aussi inventeur, il dépose en 1929 un brevet pour une « fenêtre mécanique type paravent » qu’il a proposée en guise de grande baie vitrée à Eileen Gray pour sa villa E.1027. C’est lui aussi qui conçoit la disposition de l’escalier hélicoïdal.

1927-1936 : Chez Morancé, il dirige l’édition de l’œuvre complète de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret.

1927 : Toujours avec Eileen Gray, il part visiter la Cité du Weissenhof à Stuttgart et l’exposition d’architecture moderniste Die Wohnung (« l’habitat »). Par l’intermédiaire du peintre Yves Renaudin (1891-1978), Badovici découvre la ville de Vézelay dans l’Yonne, y acquiert une vieille maison rue de l’Argenterie rêvant de fonder une communauté d’artistes, trois autres maisons rue de la Porte-Neuve pour des amis parmi lesquels Le Corbusier. Zervos s’installe à proximité, au hameau de la Goulotte avec sa femme. Leur fille adoptive Yvette Szczupak-Thomas (1929-2003) à qui Badovici dispensera des cours de perspective durant l’occupation, l’évoquera dans ses mémoires.

1927-29 : Eileen Gray lui achète à son nom à lui un terrain sur la Côte d’Azur à Roquebrune-Cap-Martin. Ce devra être une maison « construite pour un homme aimant le travail, les sports et aimant à revoir ses amis ». Parallèlement à ses visites au chantier d’E.1027 que dirige Eileen Gray à Roquebrune Cap-Martin et qu’il conseille, Badovici entreprend à Vézelay la restauration de la maison Renaudin. La restauration de ses maisons anciennes se fait dans un souci d’intégration au site environnant tandis que l’aménagement intérieur est pensé aussi moderne que possible. Il publie fin 1929 un numéro spécial de L’Architecture vivante sur «E1027 Maison en bord de mer». On y lit un dialogue entre eux «De l’éclectisme au doute», des plans signés en commun et des photographies prises par Eileen Gray de la villa aux murs blancs.

1930 : Vilipendé pour sa défense de l’ «architecture internationale», il lui faudra l’intervention de Frantz Jourdain, président de la Société des architectes modernes, pour être naturalisé français. Invité en 1930 à participer à la première exposition de la toute récente Union des artistes modernes (U. A. M.), sous la présidence de Robert Mallet-Stevens, c’est associé à Eileen Gray, qui en est membre actif qu’il présente leur Maison en bord de mer. Disposant d’un espace de 7m2, le mobilier et les espaces intérieurs y figurent sous forme de photographies. (Badovici sera admis à l’U. A. M. en 1948).

1931 : C’est un système de rangement créé par Eileen Gray pour le petit appartement de la rue de Chateaubriand qu’elle a meublé et aménagé pour lui (cloison sur rail, plafond creux, grande coiffeuse) qui est exposé en photographies. Badovici conserve E.1027 tandis que Eileen Gray part pour sa nouvelle villa Tempe a Pailla à Castellar. 1933 : L’Architecture vivante s’arrête. Badovici est invité par Eileen Gray à l’accompagner au Mexique. À New York il lui présente Frederick Kiesler, l’auteur de la endless house. Ils visitent la première exposition d’objets industriels, «Machine Art» au Museum of Modern Art. Son canot de sauvetage de grande capacité, inchavirable et insubmersible est breveté.

1934 : Fernand Léger, au retour du IVe Congrès International d’Architecture Moderne (C. I. A. M.) d’Athènes, vient de prononcer une conférence sur le rôle de la peinture dans l’architecture. Il en donne soudainement le goût à Badovici et lui propose pour un mur extérieur de sa maison de Vézelay une grande composition murale (3,88 x 4,40 m, transposée sur toile, elle est visible au Musée Zervos Maison de Romain Rolland). C’est marqué par ce premier « mural » que leur ami Le Corbusier effectuera une peinture dans la maison Badovici à Vézelay (1936) et, ensuite, sept peintures sur les murs intérieurs et extérieurs de E-1027 (1938-1939).

1937 : Après avoir figuré à l’Exposition internationale des « arts et des techniques appliqués à la vie moderne », au Pavillon des Temps Nouveaux, l’invention de son ingénieux canot de sauvetage est publiée dans le livre de Le Corbusier Des canons, des munitions ? Merci ! Des logements, SVP… Ses recherches souvent brevetées font de lui une sorte d’ingénieur maritime, son Croiseur de bataille porte-vedettes torpilleur de 1939 est à voir au Musée de la Marine à Paris.

1942 : Badovici bien décidé à participer à la Reconstruction, reprend des études d’urbanisme et débute des études de sciences sociales.

1945-56 : Badovici adhère au Parti communiste français. Il rejoint l’équipe de l’architecte-urbaniste André Lurçat, en tant qu’architecte en chef adjoint pour la reconstruction de Maubeuge, ville bombardée à 90% par les Allemands en mai 1940. L’architecture standard est adoptée, tous les immeubles auront un toit plat. L’immeuble de six étages du haut de la ville y est symptomatiquement désigné comme « le building » ! En 1947 à l’Exposition internationale de « l’urbanisme et de l’habitation » au Grand Palais qui se tient sous l’égide du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, la ville reconstruite de Maubeuge est présentée comme une véritable ville neuve «tendant à tourner l’esprit de la population vers l’avenir…» (Cf Jean-Louis Cohen : André Lurçat 1894-1970, autocritique d’un moderne, Liège : Mardaga ; I.F.A., 1995).

1953 : Il participe à la reconstruction de la Caisse d’épargne de Maubeuge sur le mail de la Sambre. En 1954-56, il deviendra maître d’œuvre pour l’îlot N (proche du M construit par une des premières femmes architectes en France, Simone Menez.) Il aura la charge aussi des petites villes sinistrées de Bavay et du Quesnoy et reconstruira des maisons à Solesmes.

1954-56 : Badovici construit une maison sur les collines de Sèvres. Mais cet architecte essentiellement reconnu sur la scène de l’entre-deux-guerres pour son intense activité de critique architectural, est malade, et à son retour du congrès du Xe C. I. A. M. de Dubrovnik, Jean Badovici meurt le 17 août à Monaco. Il laisse une sœur religieuse en Roumanie. C’est Mme Schelbert, amenée de Suisse par Le Corbusier, qui occupera la villa de Roquebrune en 1960.

Par Monique Baillon (janvier 2017)